Bien que le dispositif de l’accès partiel soit déjà relativement ancien (2005), son application pour les chirurgiens-dentistes et les autres professionnels de santé fait toujours autant débat. Un débat, qui devrait très prochainement être définitivement tranché.
2021, l’issue d’un long conflit sur l’accès partiel …
Depuis des années, les professionnels de santé s’inquiètent de la transposition d’un dispositif du droit européen dans la législation française : l’accès partiel. Encadré par la directive européenne du 7 septembre 2005, cet accès partiel doit permettre à une profession réglementée d’un pays « d’exercer un nombre limité d’acte d’une autre profession réglementée, lorsque cette profession n’existe pas dans le pays de service ». Et c’est bien cette différence de législation (entre les deux pays concernés), qui pose un problème. L’accès partiel ne remet aucunement en cause la reconnaissance des diplômes et des formations entre pays de l’Union Européenne. Un chirurgien-dentiste ou un masseur kinésithérapeute ayant obtenu son diplôme en Belgique, au Portugal ou en Espagne pourra toujours exercer dans l’Hexagone.
Depuis 2012, les chirurgiens-dentistes sont engagés dans une procédure, visant à s’opposer à cet accès partiel, et c’est dans ce litige, que la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu un arrêt confirmant l’application de ce mécanisme à la profession de chirurgien-dentiste. C’est bien évidemment une déception pour les dentistes à l’initiative de la procédure, même si chacun sait que le mécanisme en sera pas généralisé en quelques semaines, et que d’autres recours existent encore.
L’accès partiel, un danger pour l’avenir des chirurgiens-dentistes ?
Président des Chirurgiens-Dentistes de France (CDF), organisation représentative de la profession et faisant partie des demandeurs dans cette procédure, Thierry Soulié explique parfaitement la situation de son organisation :
« Imaginons qu’un hygiéniste dentaire, profession qui est reconnue de façon autonome dans certains pays mais pas en France, demande à exercer certaines compétences des chirurgiens-dentistes. Si l’exercice partiel était entériné, la France aurait obligation de l’inscrire. Or partout où ce genre de pratique a été mis en place, on a vu que cela introduisait de la confusion et que le patient ne s’y retrouvait pas. »
Pour l’Ordre National Infirmier (ONI), co-demandeur avec les CDF, la problématique est la même, et les dentistes soulignent avec insistance que leur demande ne concerne pas que leur profession mais l’ensemble des soignants. Dans leur esprit, si une profession n’existe pas en France, c’est que les autorités sanitaires ne l’ont pas jugé utiles. Pourquoi alors l’autoriser à pratiquer certains actes dans l’Hexagone ? On est chirurgien-dentiste ou on ne l’est pas pourrait parfaitement résumer la position de ces professionnels. Mais derrière ce rejet de l’accès partiel se masque aussi une autre menace, qui ne dit pas son nom : le glissement de l’accès partiel vers une application franco-française
L’accès partiel sera-t-il réellement généralisé en France dans les prochaines années ?
Depuis plusieurs années, la France s’est engagée dans une profonde transformation de son système de santé (virage ambulatoire, incitation au travail coordonné, fin de l’exercice solitaire, …) afin que ce dernier soit plus efficace mais aussi plus compréhensible pour les patients. Or l’accès partiel représente une réelle menace en la matière, comme l’expliquait Grégory Caumes, le directeur adjoint de l’ONI, aux journalistes : « Si demain, l’exercice partiel était admis par le Conseil d’État en vertu du droit européen, un juge français pourrait s’en servir pour faire admettre l’exercice partiel dans un contexte franco-français ». En d’autres termes, l’accès partiel ne permettra-t-il pas demain d’empêcher un chirurgien-dentiste d’exercer tous les soins d’implantologie en lui laissant cependant la capacité de traiter ses patients pour des soins conservateurs ? Cette menace existe, même si elle est rejetée par les autorités publiques à ce jour. Toujours est-il qu’outre les dangers que cela représente pour l’unité de la profession, cet accès partiel représente enfin et surtout une autre menace : rendre le parcours de soins des patients trop complexe pour être assimilé par le plus grand nombre.
Les chirurgiens-dentistes, les infirmiers et bien d’autres professionnels de santé se sont donc tournés vers le Conseil d’Etat. Car la Cour Européenne a renvoyé la décision finale à la plus haute juridiction administrative française, qui pourra adapter sa décision en fonction de … « l’intérêt général ». Il reste à savoir comment ce dernier sera interprété.
Et vous, êtes-vous pour ou contre cet accès partiel à la profession de chirurgien-dentiste ? Pourquoi ?
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