Le terme même de « privatisation de la santé » effraie une grande partie de la population, alors que les chirurgiens-dentistes, les médecins, et les soignants en général connaissent la nécessité d’imaginer de nouvelles formes d’organisation des soins en France. Que masque réellement cette notion et les chirurgiens-dentistes doivent-ils, comme les autres professionnels, faire preuve de pédagogie pour comprendre et expliquer ces évolutions à leurs patients ?

A l’instar de bien d’autres professions de santé, la profession de chirurgiens-dentistes a été pendant longtemps présentée comme regroupant les professionnels exerçant leur art en cabinet (activité libérale) et ceux ayant préféré la voie hospitalière. Depuis plusieurs années, cette distinction tend à être complétée par la différenciation entre les professionnels libéraux et les chirurgiens-dentistes salariés. Cette distinction supplémentaire s’explique en grande partie par la multiplication de ce que l’on nomme les centres de santé dentaire. Ces derniers reposent sur une nouvelle organisation, au sein de laquelle les chirurgiens-dentistes ou tous les autres professionnels de santé y exerçant sont salariés. Nous ne reviendrons pas ici sur les attraits et les freins, que peut représenter cette nouvelle organisation pour les professionnels eux-mêmes. En revanche, il apparait essentiel de souligner l’impact que ces derniers peuvent avoir sur le ressenti et la perception des patients eux-mêmes. Ces problématiques ne concernent pas, comme nous le verrons ci-dessous, les seuls chirurgiens-dentistes mais impactent bien le système de santé en général. Ainsi, si on est passé de 619 centres dentaires en 2016 à 917 en 2021, le nombre de centres ophtalmologiques a lui été presque multiplié par deux entre 2015 et 2020, de 88 à 157 (Chiffres de l’Assurance Maladie).

Si les patients reconnaissent que ces centres ont permis de réduire les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous chez le dentiste notamment, ils restent également sensibles aux déclarations de certains acteurs, qui soulignent une « potentielle privatisation de la santé ».

L’évolution du système de santé, une réponse à la transformation de la société dans son ensemble

Dans l’esprit de la population, cette « privatisation de la santé » s’accélère incontestablement depuis des années. Des enquêtes journalistiques et autres mises en lumière médiatique en font état. Dans son livre-enquête Les Fossoyeurs, le journaliste Victor Castanet dénonçait ainsi les dérives nées de la privatisation des Ehpad. Par amalgame, les Françaises et les Français pouvaient alors assimiler ces dangers à toute forme de nouvelle organisation des soins.  Il en va également ainsi, lorsque l’on présente les ambitions de Ramsay France, le leader de l’hospitalisation privée en France. La filiale du groupe australien, Ramsay Health Care, a en effet dévoilé ses ambitions en matière de soins primaires, un domaine où l’entreprise entend faire profiter de son expertise et de son expérience. En ouvrant des centres de santé, au sein desquels les médecins sont salariés de l’entreprise, Ramsay France entend s’inspirer du modèle scandinave pour

« (…) devenir un “orchestrateur de santé”, en accompagnant les patients au quotidien grâce à des services de santé “digi-physiques”»

Certains voient dans ces centres dentaires comme dans ces centres de santé une « privatisation », alors que d’autres préfèrent considérer ces transformations comme une évolution naturelle. Ces adaptations aux nouvelles exigences et contraintes de notre époque (optimisation de l’organisation pour accroitre le temps médical disponible, lutte contre la pénurie de médecins, de chirurgiens-dentistes, …) doivent être expliquées en détail à la population, afin de ne pas faire naître de raccourcis dangereux et d’amalgames néfastes. Car la nécessaire transformation de notre système de santé devra pouvoir, à l’avenir, s’appuyer sur des expérimentations ayant déjà fait leurs preuves.

Et vous, comment imaginez-vous l’avenir de la santé en France ? Comprenez-vous que la notion même de « privatisation de la santé » puisse effrayer les patients ?

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