Des patients français ont beaucoup de difficultés voire ne peuvent plus désormais bénéficier de soins, faute de chirurgiens-dentistes. Comment pallier cette pénurie ? Entre les ambitions publiques et les alternatives en cours de déploiement, les questions se multiplient quant à l’avenir des soins bucco-dentaires en France.
Former les chirurgiens-dentistes dans les déserts médicaux, la solution miracle ?
De multiples initiatives ont été portées pour lutter contre la pénurie de chirurgiens-dentistes en France. Parmi celles-ci, les autorités publiques se sont engagées, depuis plusieurs années, à augmenter considérablement la capacité de formation des futurs professionnels de santé. Cette ambition a également permis la création de nouveaux centres universitaires de formation, décidée essentiellement en fonction de la densité de chirurgiens-dentistes du territoire concerné. Ainsi, la région la moins dotée en professionnels de la santé bucco-dentaire, la Normandie, a connu l’inauguration d’un nouveau centre de formation dans la ville de Caen. Cette création doit permettre de pallier le manque de 800 professionnels sur l’ensemble du territoire normand. Avec 42 dentistes pour 100.000 habitants, la Normandie concentre toutes les conséquences néfastes de cette désertification médicale et bucco-dentaire.
Pour les autorités publiques, le nombre de chirurgiens-dentistes va croître de manière significative dans les années à venir parce que les étudiants ont tendance à s’installer sur le territoire, sur lequel ils ont étudié. C’est ce que confirme François Mengin Lecreulx, le directeur de l’Agence Régionale de Santé de Normandie : « Les chiffres parlent d’eux-mêmes. On observe en général que 80% des étudiants en formation dentaire restent travailler là où ils ont suivi leur formation. ». Il faudra donc attendre plusieurs années pour le confirmer, avec des promos d’étudiants limitées à 30 pour le moment et devant être porté à 50 dans les années à venir.
Quand le manque de chirurgiens-dentistes conduit à se tourner vers l’étranger !
D’un côté, plusieurs observateurs du milieu de la santé soulignent que la relation de cause à effet, présentée par le gouvernement, n’est pas si évidente que cela. En d’autres termes, certains doutent que 80 % des futurs diplômés caennais s’installent dans la région. D’un autre côté, tous s’accordent à souligner qu’il est impossible d’envisager la création d’un centre de formation universitaire dans tous les déserts dentaires de France.
Ainsi, la région Lorraine, qui dispose déjà d’un centre de formation, est durement frappé par ce manque de chirurgiens-dentistes, puisque 9 communes sur 10 de la région sont concernées par ce phénomène de la désertification. La situation devient critique, et les autorités locales ne savent plus comment inciter les jeunes professionnels de santé à venir s’installer sur un territoire déjà lourdement impacté par des crises économiques successives (sidérurgie, automobile, …)
Pour le Dr Matthieu Hutasse, président de l’URPS Chirurgiens-dentistes Grand Est et président de la Fédération des syndicats libéraux (FSDL) , le constat est bien plus grave encore : « il n’y a pas assez de jeunes dentistes pour remplacer ceux qui vont faire valoir leurs droits à la retraite ».
Et les chirurgiens-dentistes s’inquiètent des alternatives s’offrant aux patientes et patients français :
- L’arrivée de chirurgiens-dentistes, formés à l’étranger (principalement au sein de l’Union européenne) constitue une de ces alternatives, déjà mise en œuvre pour combler la pénurie actuelle de chirurgiens-dentistes,
- Les offres de soins de chirurgiens-dentistes installés à l’étranger ne sont plus réservées aux soins d’implantologie et de chirurgie esthétique, mais s’ouvrent désormais à des soins plus courants. Le tourisme médical en général et le tourisme dentaire en particulier connait une évolution inquiétante selon certains syndicats représentatifs de la profession.