La question des centres dentaires concentre une grande partie des débats au sein de la profession de chirurgien-dentiste. De la même façon, la question de la financiarisation et de la concentration des acteurs de santé interroge tous les acteurs de la santé. Qu’en est-il réellement ?
Financiarisation et concentration : une double menace pour l’offre de soins ?
Il s’agit d’un débat récurrent depuis plusieurs années, autour duquel s’opposent fréquemment les autorités publiques et les professionnels de santé. La financiarisation et la concentration des acteurs de santé constitueraient une menace pour l’organisation de la santé en France. A la fin du mois de juillet, la commission des affaires sociales du Sénat remettait ainsi un rapport s’interrogeant sur la présence de plus en plus accrue des fonds d’investissement dans la santé. La question est globale, puisqu’elle concerne la santé en général et la santé bucco-dentaire en particulier.
Des cliniques privées aux centres dentaires, des établissements d’analyse médicale aux centres ophtalmologiques, l’ouverture de la Santé à des acteurs n’étant pas des professionnels de ce secteur interroge. Ainsi, les auteurs du rapport cité ci-dessus (Corinne Imbert (LR), Olivier Henno (Union centriste) et Bernard Jomier (Groupe socialiste, écologiste et républicain) émettent quelques propositions pour « mieux maîtriser le mouvement de financiarisation des structures de soin et souligner la primauté des intérêts du soin »
Ainsi, en 2023, la France comptait 1312 centres de soins dentaires, dont plus d’un sur trois (37 %) avait été créé après le 1er janvier 2020. En 5 ans, le nombre de centres dentaires a doublé. Sur ces 1312 centres, 181 appartenaient, au 1er mars 2023, aux 3 groupes leaders du marché, faisant alors émerger la problématique de la concentration de ces nouveaux acteurs de santé.
Les réponses des centres dentaires aux patients et aux chirurgiens-dentistes !
Nous ne reviendrons pas sur les « dérives » de certains de ces centres dentaires, qui ont fait couler beaucoup d’encre. Pour la grande majorité de ces derniers, leur création répondait et répond toujours à une triple attente :
- Les patientes et les patients ambitionnent de pouvoir obtenir un rendez-vous avec un dentiste dans des délais raisonnables et à proximité de chez eux,
- Les autorités publiques orchestrent la « fin de l’exercice isolé » des chirurgiens-dentistes et des autres professionnels de santé, en ayant organisé le développement de ces centres dentaires (même si la tendance législative du moment reste à confirmer dans les mois et les années à venir),
- Les chirurgiens-dentistes eux-mêmes : de plus en plus de jeunes diplômés n’ambitionnent plus de devenir chirurgien-dentiste libéral mais préfère la « sécurité et le confort d’un statut salarié »,
Tout cela a donc contribué à l’essor et au succès de ces centres dentaires., qui, il ne faut pas l’oublier, ont également fait apparaître une nouvelle forme de concurrence pour les chirurgiens-dentistes libéraux.
Vers un nouveau modèle économique de la santé bucco-dentaire ?
Pour les centres dentaires, l’organisation en réseau, l’optimisation des coûts (et leur mutualisation) mais aussi les économies d’échelle ont permis d’élaborer des modèles économiques viables et « rentables ». Non seulement, le rapport sénatorial considère le domaine de la santé comme un « secteur d’investissement rentable », mais il souligne les tendances haussières concernant la santé en France avec un vieillissement de la population (et donc une augmentation de la demande de soins).
Lorsqu’ils exercent dans leur propre cabinet, les chirurgiens-dentistes ont donc dû répondre à ces nouveaux concurrents. Faciliter la prise de soins pour répondre à la gestion globale et efficace des centres de santé, s’équiper de nouveaux équipements lorsque les centres dentaires investissent dans le matériel de pointe, s’entourer de collaborateurs et/ou d’associés quand les centres dentaires multiplient les offres de spécialisation, … En incitant les chirurgiens-dentistes libéraux à réagir, les centres dentaires ont donc bouleversé le modèle économique du secteur de la santé bucco-dentaire. Il reste à savoir jusqu’à quel point, cette évolution pourra aller …
Et vous, considérez-vous que ces centres dentaires vont continuer à faire évoluer l’organisation de la santé bucco-dentaire en France ? Quels en sont, selon vous, les dangers ? Les opportunités ?