Surnommé le « dentiste des pauvres », Bernard Jeault a été aussi été fortement attaqué et critiqué par l’ordre des chirurgiens-dentistes, qui le considérait comme une menace pour la profession. Sans parti-pris, essayons d’y voir plus clair sur ce dentiste, qui défraya la chronique au début des années 1970.

L’histoire de l’art dentaire au XX^ème siècle, l’apparition du « dentiste des pauvres »

L’histoire de la profession même de dentiste a déjà fait couler beaucoup d’encre. Aujourd’hui encore, les dictons populaires gardent une trace de ce passé si mouvementé. « Mentir comme un arracheur de dents » nous rappelle ces temps, où le « dentiste extracteur » n’était qu’un vendeur ambulant allant de villes en villes pour soulager les douleurs dentaires, le tout sans aucune douleur, bien évidemment …. 😊 Mais depuis le XVIII^ème siècle, et plus encore au XIX^ème siècle, l’odontologie est devenue un art médical à part entière.

En France, les chirurgiens-dentistes se sont organisés et multipliés au cours de ce XX^ème siècle, et pendant longtemps, cet essor ne connaissait qu’un modèle pour les dentistes : s’installer en libéral pour pouvoir répondre aux besoins de la patientèle locale. Bien qu’aujourd’hui, cette unicité du développement de la profession n’existe plus, il aura fallu attendre les premiers mois des années 1970 pour qu’un dentiste ouvre une nouvelle voie. Surnommé « le dentiste des pauvres », Bernard Jeault s’est cependant heurté à la mobilisation de la profession, qui ne considérait pas d’un bon œil l’œuvre que M Jeault ambitionnait de mener à son terme.

Des soins dentaires pour toutes et tous, une ambition vouée à l’échec ?

Bernard Jeault ouvre son premier cabinet dentaire en 1964 à Autun en Saône et Loire (71) et s’inscrit alors dansle schéma traditionnel, comme il le reconnaissait lui-même : « À ma grande surprise, ma réussite professionnelle a été immédiate. Fulgurante même. ».

Ce sont donc les événements de mai 1968 qui provoquent un véritable déclic, le  poussant  à  vouloir « faire dans le social ». Bernard Jeault décide donc de créer un cabinet dentaire pour recevoir les patientes et les patients, n’ayant pas les moyens de bénéficier de soins dentaires. Nous sommes en 1970, et les mentalités ne sont plus les mêmes qu’aujourd’hui. Engagé et mobilisé, il arrive non seulement à convaincre des établissements financiers pour le soutenir mais parvient également à « recruter » 4 autres dentistes dans l’aventure. Lorsqu’il évoquait cette évolution de son parcours professionnel, il se souvenait principalement de l’opposition, qu’il suscita dans la profession. « Mais le conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes a commencé à me mettre des bâtons dans les roues. Il s’est opposé à l’ouverture du cabinet, contestant notamment les contrats de travail que j’allais passer avec quatre confrères. »

L’opposition entre Bernard Jeault et le l’ordre des chirurgiens-dentistes est complexe et s’est prolongé pendant de nombreuses années. Aussi quand l’ordre prononce à l’encontre du dentiste une radiation à vie et donc une interdiction d’exercer, il justifie sa décision en dénonçant une   concurrence déloyale.

Surendetté, l’ancien dentiste doit alors subvenir  comme il peut à ses besoins en acceptant des travaux d’ouvrier ou de manœuvre. Pour la profession, l’engagement de M Jeault est trop politique. Cependant, après une opposition incessante, l’ordre l’autorise à nouveau à ouvrir un cabinet dentaire (20 mai 1981). Un cabinet, qui fonctionnera par intermittence, puisque le conflit entre ces deux protagonistes a conduit à de nombreuses mesures d’interdiction temporaire d’exercer.

Décédé en juillet 2019, Bernard Jeault avait fait de son ambition pour une « odontologie sociale » un combat politique. S’étant expliqué dans 3 livres distincts, Bernard Jeault avait une vision diamétralement opposée de celle défendue par la profession dans son ensemble. S’agissait-il de déposer les bases d’un système de soins mutualiste ? Ou s’agissait-il au contraire d’une menace sérieuse sur la concurrence saine et loyale, qui doit prévaloir dans la profession ? Chacun a ses convictions sur la question. Le sujet revient régulièrement sur le devant de la scène, et dernièrement un dossier du Monde Diplomatique a replongé la profession dans ce questionnement, ravivant des oppositions qui ne sont toujours pas tranchées …

Et vous, connaissez-vous précisément cette histoire du « dentiste des pauvres » ? Quel est votre avis sur la question ? Un acharnement de la part de la profession ou un combat trop politisé mené par Bernard Jeault ?

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